Les menstruations sont totalement naturelles. Pourtant, leur mention en cours de biologie décoche des sourires gênés, parfois moqueurs. Dans le monde, et ce depuis des civilisations ancestrales, de nombreuses croyances et superstitions leur sont liées. Là, on faisait traverser des champs aux femmes pendant leurs règles pour immuniser les récoltes contre les prédateurs. Là on leur interdisait de toucher tout autre être vivant. On a jugé les règles tantôt impures, tantôt signe de puissance. C’est pour lever ces tabous et ces préjugés qu’il est important de parler des règles, d’informer et d’éduquer à leur sujet. Si vous pouviez déjà en apprendre plus sur les règles dans le monde grâce à nos infographies, voici plus de détails.
Les règles, c’est quoi ?
Quand les femmes atteignent la maturité sexuelle, c’est-à-dire que leur corps entre en capacité de se reproduire, leurs règles apparaissent. L’âge des premières règles varie beaucoup d’une fille à l’autre. Les menstruations sont une manifestation biologique, elles signifie que votre corps peut accueillir un bébé, et non pas que vous êtes prête (mentalement) à le faire. Pas de panique !
Chaque mois, vos ovaires envoient un ovule se faire féconder. L’utérus se pare d’une nouvelle muqueuse pour que l’ovule fécondé puisse s’y accrocher et devenir un foetus. Si celui-ci n’est pas fécondé, la muqueuse se défait et est éliminée par votre organisme. Ainsi, votre utérus pourra préparer une nouvelle muqueuse pour le mois suivant. Les règles, ce n’est autre que l’élimination de cette muqueuse. Le corps rejette donc du sang et de l’eau, pendant 3 à 8 jours selon les filles. N’hésitez pas à consulter notre leçon d’anatomie pour mieux comprendre le processus.
L’histoire des règles dans le monde : pourquoi c’est compliqué ?
Vous l’aurez compris, les règles sont aussi naturelles que le besoin d’uriner ou de respirer. Elles sont un signe de bonne santé. Mais alors, pourquoi sont-elles aussi mystérieuses et pourquoi est-ce un sujet tabou ? Du temps des civilisations pré-colombiennes jusqu’au XXe siècle, on peut comprendre que les humains se soient questionnés à leur sujet. En effet, les connaissances scientifiques étaient loin d’être aussi riches qu’aujourd’hui. On n’associait pas toujours les règles à la fonction reproductrice. On se demandait pourquoi les femmes saignaient et pas les hommes. Certains peuples ont vu dans les menstruations un signe de puissance, si bien que les hommes cherchaient à les reproduire. D’autres peuples, en revanche, y ont vu un signe d’impureté. Les femmes étaient alors mises à l’écart du monde pendant leurs règles, obligées de se soumettre à divers rituels.
Les superstitions liées aux règles
Vous avez peut-être déjà entendu dire qu’une femme ne peut pas monter une mayonnaise ou des oeufs en neige pendant ses règles. Des croyances de la sorte, il y en a malheureusement beaucoup.
Au Japon
Encore de nos jours, le métier de maître sushi est quasiment inaccessible pour les femmes. Pour cause : les japonais pensent que les femmes ont un sens olfactif déréglé à cause de leurs menstruations, ce qui les rend inaptes à occuper ce poste si réputé. Seul le restaurant Nadeshiko Sushi, tenu par la cheffe Yuki Chizui, est composé d’une équipe exclusivement féminine, dans le but de lutter contre le sexisme.
Au Népal
Bien que cela soit interdit depuis août 2017, la tradition du Chaupadi fait loi. Quand une femme a ses règles pour la première fois, elle doit quitter son foyer pendant 13 jours. Le bannissement dure 7 jours la deuxième fois, puis au moins 4 jours pour tous les cycles suivants. Ce jusqu’à sa ménopause. Les femmes doivent se retirer dans une hutte à au moins 20 mètres du foyer le plus proche, ce qui les oblige souvent à s’exiler loin des villages, à la merci des bêtes, du froid et des criminels. Dans des conditions précaires, elles n’ont ni le droit de toucher du bétail, des hommes, des enfants ou des livres. Elles doivent se contraindre à un régime alimentaire strict, n’ont pas le droit de puiser de l’eau dans les puits communs et ont un puits qui leur est réservé. Se faire à manger elles-mêmes leur est également interdit. Cette tradition vient d’une croyance hindoue ancestrale, selon laquelle le dieu pécheur Indra, maudit par Vishnu, a pu partager sa malédiction avec les arbres, l’eau, la terre et… les femmes ! Ainsi, si une femme ne respecte pas le chaupadi, on considère qu’elle contrarie les Dieux et que tout ce qui peut arriver de mauvais à sa famille est de sa faute. Dans les villes, les femmes doivent au moins se retirer dans une pièce de la maison qui leur est dédiée, et on leur donne à manger sous la porte.
En Inde et en Afrique
On retrouve des rituels similaires. Au Malawi, les parents n’informent pas les fillettes de ce que sont les règles. C’est un sujet complètement tabou et ce sont les tantes qui apprennent aux jeunes filles à faire des serviettes hygiéniques dans des bouts de tissu. Ainsi, pour ces filles, l’arrivée des règles leur cause une grande incompréhension et les effraie. Elles n’ont pas non plus le droit de parler aux garçons pendant leurs menstruations.
En Bolivie
En Bolivie, on fait même croire aux jeunes filles que jeter leurs protections hygiéniques dans des poubelles communes peut leur causer des maladies et des cancers. Même les professeurs contribuent à cet enseignement. Enfin, en Afghanistan, on dit aux femmes que prendre une douche pendant leurs règles les rend stériles. En Iran, le tabou sur les règles est tel que près d’une écolière sur deux pense que les règles sont une maladie.
Les protections hygiéniques : un produit de luxe pour certaines femmes
Si vous achetez votre paquet de tampons ou votre coupe menstruelle comme votre baguette de pain, tout naturellement, sachez que c’est loin d’être le cas pour toutes les femmes. C’est même un privilège. Si, en Occident, les femmes sont déjà victimes de la taxe tampon, avoir ses règles dans le monde est loin d’être simple. Dans les pays du tiers-monde, de nombreuses femmes n’ont pas accès à des protections hygiéniques. Certaines utilisent des bouts de chiffon, de matelas, des feuilles ou de la terre. D’un point de vue sanitaire, c’est catastrophique : les infections sont fréquentes. Les règles sont également le deuxième facteur de déscolarisation dans le monde, après le mariage forcé. En Inde, au Kenya, au Bénin, ou encore au Népal, les jeunes filles ne peuvent se rendre à l’école pendant leurs règles en raison du manque de sanitaires. Mais c’est également le cas en Europe, comme au Royaume-Uni, et même en France. Les femmes et jeunes filles en situation de grande précarité ne peuvent souvent pas s’acheter de protection. Elles évitent donc l’école ou manquent des jours de travail. Tout cela car elles n’ont pas de sanitaire décent à disposition.
Les règles dans le monde : un facteur d’exclusion.
En somme, avoir ses règles est une facteur d’exclusion un peu partout dans le monde. La manière d’appréhender les menstruations creuse les inégalités hommes-femmes. Le Japon, la corée du Sud, Taïwan et la Zambie ont instauré des congés menstruels. La plupart des femmes ne le prennent pas de peur d’être mal perçues par leurs collègues. Les bannissements pendant les menstruations sont encore d’actualité dans bien des pays. Ces croyances et superstitions rendent non seulement les femmes vulnérables, mais entachent aussi fortement leur estime de soi.